Serre de la madone : visite d’un jardin méditerranéen remarquable. 2° partie

II. Lawrence JOHNSTON un citoyen britannique, passionné de jardins et de botanique.

Ce jardin situé en limite de la commune de Menton a été créé par son propriétaire Lawrence JOHNSTON à partir de 1924.

Photo F Arnal 2019
La vue de l’escalier central
  1. Lawrence JOHNSTON, un britannique passionné de jardinage.

Lawrence JOHNSTON est né à Paris en 1871 de parents américains fortunés.. Il vit aux Etats Unis entre 1880 et 1887 date à laquelle il s’installe en Angleterre. Il fera des études en histoire de l’art au Trinity College de Cambridge. Apprenti fermier dans le Northumberland il est naturalisé britannique en 1900. Il part ensuite en Afrique du sud lors de la guerre des Boers dans le régiment impérial et en revient avec le grade de lieutenant des hussards. En rentrant d’Afrique du sud en 1904 il rejoint la Royal Horticultural Society. Sa mère (Mrs Winthrop remariée), acquière une ancienne ferme dans les Costswolds en Angleterre qui deviendra Hidcote Manor. Il participe à la  première guerre mondiale puis prend sa retraite en 1922 pour se consacrer au jardinage.

Le jardin en 1935 (source DRAC PACA) Le parterre des platanes.

C’est en 1924 qu’il acquière les terres de Serre de la Madone.

Après le décès de sa mère en 1926, il effectue plusieurs voyages et expéditions botaniques en Afrique du Sud (1927/28), Afrique de l’Est (1929), Pyrénées, Alpes ou Inde 1931).

Le bassin de Vénus en 1935 (Source DRAC, PACA)

Passionné par le jardinage, Lawrence Johnston s’inspire de l’américaine Gertrude Jekyll et de Thomas H Mawson.

Photo F Arnal 2019

 Gertrude Jekyll (1843/1932) a été l’une des grandes jardinières de son temps et son influence sur l’art du jardinage reste importante. Pionnière dans l’art des jardins elle le définit comme un lieu d’expérimentation artistique.

 « The art and craft of garden making » (« L’art et l’artisanat du jardinage »), 1912 l’inspira. Ce livre a été écrit par Thomas Hayton Mawson (1861 – 1933), c’était un architecte paysagiste et urbaniste britannique. Ce volume constitue le guide définitif du jardinage et contient des informations et des conseils sur une vaste gamme de sujets.

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Le parterre des platanes aujourd’hui

Le contenu comprend : « La pratique de la conception des jardins, le choix d’un site et son traitement, les entrées et les aires de transport, les portes et les clôtures pour le jardin et le parc, les routes, les avenues et les chemins de service, les terrasses et les jardins en terrasses, les jardins de fleurs, les lits et les frontières »… Thomas Hayton Mawson

Les jardins de Johnston ont la particularité de regrouper de nombreuses variétés de plantes, (exotiques principalement à Menton) qu’il a ramené de ses voyages. Ils sont composés de «chambres vertes » , tel un assemblage de petits jardins contrastés et de chemins et bassins qui se mêlent aux végétaux.

2) Les « chambres vertes » de Johnston.

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Un exotisme maîtrisé

Les « chambres vertes » de Johnston constituent autant de micro climats imbriqués, différenciés par l’exposition, l’ombrage, l’aménagement des terrasses ou des bassins, la réverbération des murs de pierre sèche et claire.

Quand arrive l’été, la sécheresse s’installe sur la colline. Afin de pouvoir arroser des plantes, Johnston a aménagé un réseau de bassins et de citernes pour garder les eaux des pluies et des ruissellements. Ce travail de génie civil passe inaperçu sous la végétation.

Le jardin en 1961 (Source IGN Remonter le Temps)

 Johnston crée à Serre de la Madone un jardin complexe et rarement symétrique. Il s’adapte au terrain et ne le force pas.

Un jardin et un paysage :

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le haut du jardin en contact avec la forêt

Ses jardins évolutifs offrent à la vue différents aspects et couleurs selon les saisons et les perspectives ou les heures de la journée. On peut appréhender Serre de la Madone comme un jardin mais aussi comme un paysage. Il se situe ainsi dans la tradition du jardin anglais issu du XVII° siècle, époque à laquelle poètes et philosophes anglais réexaminent leur rapport entre l’art et l’imitation de la nature. L’esthétique est un retour à la nature sauvage et poétique. Les chemins redeviennent sinueux en opposition à la linéarité et à la symétrie du jardin à la française. On veut donner à la nature l’impression qu’elle s’est libérée de la main de l’homme et qu’elle se développe elle même dans le cadre que le paysagiste et le jardinier lui ont attribué.

Il cède Hidcote Manor au national Trust britannique en 1948 et s’installe définitivement à Serre de la Madone mais il est atteint de la maladie d’Alzheimer. Il meurt dans son jardin de Menton le 27 Avril 1958.

Extrait du plan de la brochure officielle

Un jardin méditerranéen remarquable sauvé grâce au conservatoire du Littoral :  

Un jardin qui se découvre :

Quand on arrive à Serre de la madone par la route depuis Menton en contrebas de la propriété on ne devine pas que les frondaisons cachent un jardin remarquable. Une petite aire de stationnement permet d’accéder sur le bas du jardin.

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Les premiers pas dans la jungle maîtrisée

Les terrasses structurent le terrain comme les chambres vertes du jardin anglais d’ Hidcote Manor, mais la géométrie rigoureuse et droite  du jardin britannique laisse ici la place  à des lignes souples ondulées inspirées des restanques méditerranéennes.

Ces dernières ne sont pas toujours parallèles, elles varient en hauteur  ou en largeur tout en épousant les courbes du terrain. Elles forment ainsi une transition entre l’architecture des bâtiments et des plans d’eau et la nature sauvage encore visible dans la partie haute.

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Fleurs rouge d’aloès

Un jardin créé sur d’anciennes terres agricoles :

L. Johnston, déjà créateur d’un jardin en Angleterre, Hidcote Manor (un des jardins les plus visités d’Angleterre), aménage progressivement sur d’anciens terrains horticoles un jardin personnel rassemblant une collection de végétaux remarquables et d’essences exotiques que le climat d’abri de Menton lui permettait d’acclimater.

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Des carnets de voyage de L Johnston furent retrouvés, ils permirent d’identifier des listes de végétaux relevés lors des différents voyages. Il mêle savamment les topiaires stricts et les parties sauvages sorte de jungle organisée. 6 jardiniers se chargent de l’entretien des 4000 variétés de végétaux issus de différents biomes compatibles avec le climat méditerranéen d’abri rencontré sur ce coteau en adret. Le jardin accueille actuellement environ 15000 visiteurs par an. En Février il n’y a pas grand monde et c’est la bonne période pour contempler (ou déguster) les agrumes.

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Clémentinier dans les jardin d’agrumes.

3 ) la restauration d’un jardin menacé :

Le Conservatoire du Littoral avait demandé en 1999 un projet de restauration à Gilles Clément.

Gilles Clément a travaillé avec le paysagiste Philippe Deliau de l’agence Alep Atelier lieux et paysages un plan de réhabilitation du site maintenant en fin d’exécution. Gilles Clément  avait alors donné quelques pistes. Le jardin devait conserver les données de toute son histoire, garder une part de nature et une part de travail du jardinier conforme à ses principes appliqués au Rayol (« Faire le plus possible avec la nature et le moins possible contre »).

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Une certaine parenté avec le jardin du Rayol

Gilles Clément participe avec Philippe Deliau à la restauration du jardin. Ses commentaires commencent  sur un ton positif : «Art, jardin, paysage : qui s’opposerait à l’usage apaisant de mots heureux ? En principe leur combinaison ne pose pas de question. Chacun des termes contient les autres. On parle d’art des jardins, le paysage fait art, subi l’assaut de nos regards vacanciers les classificateurs : certains disent  « artialisé » (Alain Roger) .

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Les Fatsia Japonica dans la partie basse et ombragée.

Gilles Clément dit à propos de Serre de la Madone : « non seulement le projet vient d’un signataire unique –d’emblée le risque de collection dispersée se trouve évité– mais aussi il s’organise à partir d’un regard sur le site où l’on mesure ensemble deux dimensions inhabituelles dans le monde de l’art souvent centré sur l’objet : la mesure de l’espace, la valorisation du vivant ».

La maîtrise de l’eau :

Les deux paysagistes suggérèrent de remettre en état les prises d’eau en amont du jardin dans la partie boisée et sauvage. Ces captages datant de Johnston renvoient l’eau dans une réserve d’eau enterrée. Elle n’était plus exploitée et l’on utilisait l’eau de la ville pour les arrosages.  

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Le bassin du jardin de la serre froide

Un mécénat avec Véolia fut mis en place en 2005. L’AJSM a sollicité l’aide de la Fondation Veolia Environnement pour la remise en état de l’ancien système hydraulique et du système d’arrosage. Une subvention de 65 000 € a été octroyée pour la rénovation de l’installation qui canalise l’eau de source et pour la récupération de l’eau de pluie, afin de rétablir l’alimentation en eau indépendante du jardin. Parallèlement, Olivier Gendre, porteur du projet, et d’autres collaborateurs de l’agence Riviera de la Générale des Eaux ont apporté leur expertise à l’association à titre bénévole.

L’idée n’était pas de restaurer ce jardin avec fidélité mais avec respect.

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Les terrasses ont été remises en état par le jardinier Benoit Bourdeau, ancien conservateur de  Serre, responsable du site de 1998 à 2004 après un passage par le Jardin du Rayol (1996/1998). il a aujourd’hui quitté serre de la Madone pour devenir indépendant et créateur de jardins.

En 2000, un Jumelage avec l’Hidcote, propriété du National Trust (équivalent du Conservatoire du littoral) depuis 1948, est effectué. C’est une 1ère européenne entre 2 jardins !

Le juste équilibre :

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Les cycas débordent sur le chemin à travers les restanques, ils ont été conservés.

Le jardinier (Stéphane Constantin) de Serre de la Madone doit trouver le juste équilibre entre un jardin entretenu pour accueillir le visiteur et assurer la survie des multiples plantes et laisser libre la nature méditerranéenne.

A suivre pour la 3° et dernière partie…

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Ahah…

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