Ce blog était publié sur le site du Monde jusqu’en Mai 2019, il vient de déménager sur WordPress pour poursuivre son aventure à travers le Jardin de Marandon et les autres jardins ou les paysages du monde au gré des visites et des inspirations.
il a été créé le le11 décembre 2004. A l’époque Facebook et Instagram n’existaient pas.
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Gilles Clément, jardinier et paysagiste a rencontré une nouvelle fois les stéphanois à l’occasion du Festival « Tatoujuste » le samedi 28 Novembre 2015.
Après avoir rappelé le projet des arbres décorés dans St-Etienne, le paysagiste s’est interrogé sur la nature et la présence de l’arbre dans un contexte urbain.
L’arbre sait il qu’il est en ville ?
Tel était le thème de son intervention qui à priori peut surprendre mais qui nous interroge sur la place du végétal et notre relation à la nature ou encore à l’étrangeté du végétal et à ses fantaisies.
Comme d’habitude , Gilles Clément arrive avec son diaporama, sa conférence se décline au fil des images, témoignages de sa réflexion et de ses déambulations. Fort de ses photos rapportées de ses multiples voyages et de ses nombreuses études de cas, il nous livre les secrets de ses interventions en France ou à l’étranger. Aujourd’hui il nous parle d’arbre et de génie naturel.
L’arbre en ville revêt différentes formes, taillé rigoureusement en topiaire comme dans cette haie haute de Nantes dominant un délaissé, une carrière dans laquelle l’arbre vit en toute liberté, en toute spontanéité, respectant les règles de la nature, du mouvement, premier principe du jardin selon Gilles Clément, professeur au Collège de France.
Gilles Clément, né le 6 octobre 1943 à Argenton-sur-Creuse (Indre), est un jardinier, paysagiste, botaniste, entomologue, écologue et écrivain français. Il a obtenu le Grand Prix du paysage en 1998. Il est l’auteur de nombreux jardins des plus connus comme celui du Parc A Citroën ou du quai Branly à Paris, aux plus confidentiels comme celui de l’ENS à Lyon.
Il aménage des jardins privés au début de sa carrière de paysagiste mais surtout obtient des commandes publiques par des concours sur lesquels il va pourvoir mettre en place ses grands principes (un jardin naturel, un jardin en mouvement, un brassage planétaire, un juste jardin, un tiers paysage…).
L’arbre ne demande pas à être taillé, c’est l’homme qui le taille pour des raisons esthétiques ou techniques, mais laissé à lui même l’arbre nous surprend par ses qualités d’adaptation aux contraintes de l’espace urbain. Taillé parfois de façon traumatisante, le platane se relève de ses misères et parfois englobe même les excroissances que l’on veut bien lui imposer.
Peut-on accepter en ville un arbre naturel ? quelle place laisser à l’indécis à l’imprévu, au délaissé ?
Ferveur défenseur de la friche et théoricien du Tiers Paysage, Gilles Clément soutient que le délaissé ne doit pas être négligé, refuge de la biodiversité, le tiers paysage nous incite à regarder le végétal sous un autre angle de vue. A l’impression d’abandon, le délaissé doit laisser place à l’idée de foisonnement, de la vie et du génie végétal qui s’en arrêt invente et nous étonne. Il est difficile de faire comprendre que la meilleure chose pour lutter contre la pollution des sols est d’attendre et de laisser faire la nature. Difficile également de faire comprendre à un élu que l’herbe qualifiée de « mauvaise » a toute sa place dans l’écosystème urbain et que les pesticides doivent être bannis pour les éradiquer.
Gilles Clément a présenté le Jardin du Parc Matisse à Lille avec l’Ile Derborence. Plantée au milieu du Parc Matisse près d’Euralille, l’île Derborence est un petit morceau de nature, vierge de toute intervention humaine. Décrié au début par manque de compréhension, ce jardin isolé en hauteur s’est peu à peu développé librement tel un isolat.
« Dans une volonté affichée de rupture avec l’architecture environnante et le master-plan de Khoolas, l’équipe de paysagistes propose un projet dont l’idée maîtresse est une île. « Je cherchais un prétexte pour m’écarter d’une architecture qui s’annonçait bavarde et disloquée, explique Gilles Clément. Une île ferait l’affaire ; quoi de plus condensé, de plus sujet à porter sens6 ? » Cette île est alors nommée l’île Derborence du nom d’une forêt suisse, relique primaire, car inatteignable, les parois rocheuses de ses bords ayant toujours empêché les hommes de s’y rendre. Dans le parc Matisse, l’île Derborence se présente comme un objet isolé. C’est une sorte de bastion clos, haut de sept mètres. Sur son sommet se dresse une forêt d’arbres, d’arbustes et de couvre-sols plantés en une seule intervention. La forêt s’étale sur toute la surface plane de l’île, soit 2500 m2. Elle est rendue inaccessible par des parois abruptes. » Source :Sonia Keravel La participation du public au projet de paysage publié dans Projets de paysage le 14/12/2008
Il présente ensuite la notion de trame verte et bleue et son application par le collectif COLOCO à Montpellier ou à ST-Etienne. Il s’agit de cartographier les espaces publics ou privés, entretenus ou abandonnées qui constituent un corridor, une continuité écologique. ST-Etienne et ses crassiers (terrils), ses friches industrielles constitue un bon exemple de ce que l’on peut faire en continuité des parcs et jardins classiques.
Dans les voies ferrés abandonnées, les conquérantes pionnières ou invasives comme le Buddleia ou la Renouée du Japon peuvent dépolluer les sols. Gilles Clément n’est d’ailleurs pas persuadé du risque que représentent les plantes dites invasives. Il aime à placer dans ses jardins la contestée Grande Berce du Caucase.
Quelle voie choisir pour l’avenir du jardin ? la voie juste semble la plus raisonnable.
Le paysagiste a ensuite présenté un projet à Lecce en Pouille méridionale (Italie). Ici on enlève l’asphalte pour planter des arbres. A Borgo San Nicolas, une ancienne carrière, une friche armée de ronces envahissantes devient un jardin partagé pris en main par les population locales qui s’emparent des lieux et en maîtrisent l’évolution naturelle. Les ronces sont taillées, des cheminements sont aménagés, la friche devient jardin entretenu.
L’une des préoccupations de Gilles Clément est actuellement de travailler sur le génie végétal sur les « fissures de timidité » qui caractérisent les frondaisons des arbres.
Parmi les mystères que le concepteur rêve d’élucider à Cargèse, celui de la « fissure de timidité » en dit long sur la communication entre les végétaux. Pourquoi deux arbres qui poussent côte à côte n’entremêlent-ils jamais leurs branches ? Se transmettent-ils les informations par vibration ou par les racines ? C’est à Cargèse que les scientifiques vont étudier ces phénomènes dans un jardin-paysage que gilles Clément aménage actuellement
« Le génie végétal, c’est ce que les plantes ont mis au point depuis des millions d’années. Il ne faut pas paniquer devant les plantes dites invasives. » Dans ce monde qui change, le jardinier a un rôle à jouer, en accroissant ses connaissances du milieu plutôt qu’en utilisant une technologie destructrice, selon le paysagiste-jardinier.
Dans la préface de l’ouvrage, Gilles Clément signale que le jardin de l’ENS de Lyon a trouvé un jardinier.
Ni un décorateur, ni un technicien de surface engagé pour faire propre, mais un jardinier, un vrai celui qui agit avec passion, celui qui agit avec raison et qui sait transmettre aux autres. À l’époque où Gilles Clément dessine ce jardin il n’imaginait pas que ce lieu deviendrait un lieu d’exemplarité écologique, une référence pour sa théorie du Jardin en mouvement, du jardin planétaire. Lors de ses conférences au Collège de France cet hiver il a rendu plusieurs fois hommage à Michel Salmeron pour son remarquable travail. Après des années de découverte, parfois d’incompréhension de la part des professeurs ou des étudiants, la qualité du travail accompli, la maitrise des lieux et la cohérence de l’équipe ainsi formée est reconnue.
Mais qu’adviendra t-il quand le jardinier prendra sa retraite l’an prochain ? L’administration par souci d’économie va t-elle sous traiter l’entretien du jardin à une société qui arrivera avec ses désherbants, ses machines bruyantes et peu de discernement face à ces mauvaises herbes et à ces « invasives ».
Qui s’occupera des moutons qui évitent des transports coûteux à la déchetterie, qui entretiendra la ruche, se préoccupera des abris pour le hérisson ou de l’entretien de la mare pour les libellules. Avec la disparition des jardins familiaux dans le quartier de Gerland, le Jardin de l’ENS est devenu un refuge mais pour combien de temps encore ? Michel Salmeron est inquiet, mais je le rassure, ce jardin fera date et fait désormais partie du patrimoine paysager français et la parution du Juste jardin ne fait que renforcer sa position.
Les enthousiastes : le verdict de la justesse. Mon témoignage.
« La première fois que j’ai découvert le jardin de l’ENS Lettres et Sciences Humaines, ce fut un choc pour moi.
Présent pour assister à des oraux, je m’échappais quelques instants dans le jardin à la recherche de détente. Je vis un immense espace qui m’attirait derrière les vitres du hall principal et je franchis la porte.
Nous étions en juillet 2007. Le jardin était à son apogée, les graminées flottaient dans le vent et la haie de charmilles m’invitait à suivre les allées. Ne sachant où je mettais les pieds, je fus surpris par une ligne de bambous rouges m’incitant à suivre un itinéraire au hasard de mes pas.
La balade m’emmena vers une grande prairie dégagée occupée par des brebis ce qui m’a surpris dans ce contexte urbain. Mais c’est dans la partie la plus éloignée que le jardin m’envoûta, les inflorescences des grandes berces du Caucase me rappelèrent les écrits de Gilles Clément. Un peu comme une signature du Jardin en Mouvement, je n’avais pas eu l’occasion de les rencontrer dans les jardins publics, mais la hauteur des tiges, L’architecture magnifique de cette ombellifère majestueuse ne laissait aucun doute sur leur origine.
Puis je fus intrigué par la forme des catalpas avec à leur pied des topiaires. La vue des allées tracées dans la prairie au milieu du vaste espace central finit par me convaincre de la signature du maître. J’étais bien dans un jardin créé par Gilles Clément.
Gilles Clément présentant le jardin de l’ENS de Lyon à l’2cole d’architecture de Saint-Etienne.
L’ayant rencontré à plusieurs reprises, je connais tous ses écrits et j’ai déjà visité nombre de ses réalisations (du parc André Citroën à Paris au parc Henri Matisse à Euralille, en passant par le jardin du quai Branly). Étant moi-même jardinier amateur, je me suis inspiré d’un livre sur la Vallée et le jardin naturel pour réaliser, non loin de Lyon le jardin de Marandon.
J’ai retrouvé ici tout ce que j’aime et me fascine chez ce créateur talentueux. Depuis, je réserve toujours du temps pour contempler ce parc et rencontrer ses jardiniers qui l’entretiennent avec talent et passion ». François Arnal
Extrait de la page 214
Ainsi va le juste jardin.
« Le jardin de l’ENS de Lyon n’est pas seulement un espace composé où s’expriment les formes, les couleurs, les textures et les perspectives, c’est un lieu de vie où la diversité protégée et multiple engage l’esprit et le corps de ceux qui s’en occupent et de ceux qui en ont l’usage. Il s’agit à la fois d’équilibre et de futurs. »
Gilles Clément : La Vallée, le 23 avril 2011.
« Jean-Jacques Rousseau », c’est le nom que nous aimerions donner au jardin de l’Ecole Normale Supérieure de Lettres, situé au cœur du site « René Descartes » jouxtant la grande bibliothèque « Denis Diderot ». L’auteur du Botaniste sans maître, si contesté soit-il, illustre bien les idées de mouvement et de liberté, chères à Gilles Clément.
« En toutes circonstances, la justesse efface et supplante les errements de l’esthétique. Injuste jardin répond aux conditions du milieu et de la société qui l’habite. Ce genre de jardin peut faire l’économie d’aménagement de séduction. Le beau survient plus fréquemment de la justesse que de la joliesse des traits ». Gilles Clément
« Juste jardin », les deux termes sont rarement accolés. C’est pourtant le titre choisi par les auteurs du livre qui lui est consacré, Michel Salmeron, Paul Arnould, David Gauthier, Yves-François Le Lay, Emilie-Anne Pepy, Hervé Parmentier et Patrick Gilbert. Les multiples connotations de justesse, justice, injustice, ajustement, justification… sont des clés de lectures essentielles de ce jardin tout à la fois visible pour quelques passionnés et invisible pour ceux qui le traversent, au quotidien, sans le regarder.
L’évolution du jardin en une décennie :
Le jardin a évolué par rapport au projet initial ainsi l’enclos aux moutons ou la bergerie dans la partie méridionale ont été rajoutés au programme, de même une mare accueillant les amphibiens et des libellules a été creusée. La serre, la pépinière et les composteurs occupant la partie septentrionale ont récemment déménagé pour rejoindre la partie méridionale du jardin au sud de l’Institut Français de l’Education. À ce propos Michel Salmeron est un peu inquiet car le jardin se réduit d’année en année par l’adjonction de nouveaux bâtiments et la principale menace qui pèse sur ce jardin et l’extension urbaine la construction de nouvelles extensions pour l’école ou pour l’université. En effet le terrain est constructible et le jardin a été conçu comme un espace laissé vacant qui pouvait se remplir au fur et à mesure et au fil du temps. La pression foncière dans le quartier de Gerland et dans les lieux universitaires est très forte.
« Dans un espace en mouvement, les énergies en présence – croissances, luttes, déplacements, échanges – ne rencontrent pas les obstacles ordinairement dressés pour contraindre la nature à la géométrie, à la propreté ou à toute autre principe culturel privilégiant l’aspect ».
Gilles Clément
Les grandes unités qui structurent l’espace :
– Le Boulingrin : c’est la partie centrale du parc il s’agit d’un long ruban de gazon tracé dans l’axe Nord-Sud en référence au couloir rhodanien et au mistral, tondu ras pour permettre aux étudiants de s’ébattre en toute saison, de jouer au football ou au volley-ball. On peut y rencontrer au petit matin le hérisson ou le lapin qui traversent la prairie. Régulièrement des garden-parties sont organisés et cet espace ouvert est aussi dédié à la musique ou au théâtre. De nombreuses manifestations culturelles se déroulent dans cette scène naturelle.
– La prairie : La prairie est implantée de part et d’autre du Boulingrin et est délimitée par des petits murets. Fauchée deux fois par an par étapes successives pour ne pas priver ses hôtes de la nourriture ou de l’abri qu’elle procure son aspect n’est pas régulier. Composé essentiellement de luzerne ou de graminées, cette herbe fauchée sera mise en bottes, stockée et servira de nourriture pour les moutons hôtes du jardin. Quelques sentiers éphémères sont tracés par les jardiniers au gré de leur envie pour aller visiter quelque implantation différente chaque année ou pour contourner une molène ou une autre plante digne d’intérêt.
Dans le Jardin en mouvement le premier geste du jardinier est l’observation « regarder pourrait bien être la plus juste façon de jardiner » Gilles Clément.
– Dans le jardin du temps, les saisons se succèdent en fonction des signes phénologiques depuis le perce-neige jusqu’au colchique, des primevères aux asters ou aux hellébores. Les insectes et les oiseaux trouvent ici leur nourriture tout au long de l’année. Des végétaux se sont invités apportés par les oiseaux ou par le vent, les graines ont germé naturellement, comme un noyer issu de fruits cachés ou encore des chênes ou des molènes. La seule question que se pose le jardinier en ces lieux : dois je conserver et laisser faire ou supprimer pour garder une cohésion à l’ensemble ? Car la différence entre la friche et le Jardin en Mouvement c’est que dans ce dernier, le jardinier garde la main et la sécateur à la ceinture.
– Le jardin de la communication a été fortement réduit par la construction du bâtiment de l’Institut National de la Recherche Pédagogique appelée aujourd’hui IFE (Institut Français de l’Education). Ce jardin est un peu à l’écart de la circulation il est un peu plus secret ce qui lui permet d’abriter une ruche ou encore des berces, de nombreuses grandes berces du Caucase jugées indésirables et nuisibles dans de nombreux jardins publics. C’est dans cette partie méridionale que les expériences des jardiniers sont les plus nombreuses. En 2011 un essaim d’abeilles se pose sur le grillage de l’enclos et Michel Salmeron récupère délicatement les ouvrières et la reine. Depuis il est devenu apiculteur et les abeilles contribuent à la pollinisation naturelle. Non loin de là, un hôtel à insectes abrite grâce à ses sections de branches d’arbres morts, à de la paille ou des tiges creusées de nombreux des insectes, des lézards ou autres créatures vivantes qui contribuent à la biodiversité de l’ensemble. Sous un arbre caché dans les buissons des palettes de bois, des fagots de branche, des restes de paille servent d’abri aux petits mammifères c’est le refuge du hérisson ou encore des rongeurs. De nombreux nichoirs à oiseaux sont également implantés sur les arbres.
– Le jardin de l’administration est beaucoup plus strict, sous les fenêtres des bâtiments administratifs ont été disposés dans des rangées géométriques rigoureusement taillées, des végétaux classés selon leur couleur formant ainsi des parcelles de jardin jaune, rouge, bleu, blanc ou noir. Mais dans le concept du jardin en mouvement Michel Salmeron a du mal à contrôler ces couleurs et au fil du temps les essences se mélangent tout en essayant de maintenir une unité chromatique. Les haies de charmilles soigneusement taillées ne parviennent pas à a constituer des murs étanches pour les végétaux qui franchissent allègrement ces limites artificielles. Dans cette partie ci du jardin, derrière l’apparente rigueur géométrique du tracé orthogonal se glisse la fantaisie du jardinier, les hasards de la nature et du mouvement. De nouvelles graines apparaissent, de nouvelles plantes se développent, d’autres disparaissent au gré des saisons. Le jardinier se doit d’accompagner la dynamique naturelle et même en montrer la force et la détermination. Ce sont les principes du jardin en mouvement : ne jamais aller contre et suivre la logique dynamique des plantes.
« L’art de visiter un jardin »
Louisa Jones, paysagiste d’origine britannique habitant désormais le Languedoc signale dans son ouvrage « L’art de visiter un jardin » : « seule la véritable spontanéité biologique est source d’étonnement, garantie du futur. Le plaisir est là, pas dans l’aspect, mais dans la découverte et la protection des conditions de vie.
Visiter un tel jardin nécessite un apprentissage une démarche, une rencontre, un dialogue avec le jardinier. Le novice a tout fait de juger par la négative cette friche apparente, cet amas de végétaux désordonné, ces mauvaises herbes et regrette peut-être un gazon tondu régulièrement, un jardin aux mêmes couleurs, aux mêmes saveurs tout au long de l’année. Mais ici le jardin est différent, il vit au rythme des saisons, au rythme des animaux et l’on respecte le cycle du végétal en respectant l’animal on respecte la biodiversité essentielle.
Le jardin de l’ENS comptait 216 espèces au 31 décembre 2000, elles représentent 40 % du fond patrimonial initial. Depuis, de nouvelles espèces sont arrivées spontanément et ont été introduites par la main de l’homme, telles des plantes aquatiques qui enrichissent une mare creusée en février 2007. 569 espèces sont aujourd’hui présentes. Une base de données est tenue à jour par l’équipe des jardiniers, elle figurait dans l’ancien site Internet de l’ENS mais la refonte du site l’a malheureusement fait disparaître. Souhaitons son retour.
La gestion différenciée s’appuie sur une démarche qualité. Les traitements chimiques et les intrants sont proscrits. Le compost est fabriqué sur place grâce aux feuilles mortes, hampes sèches, tontes et broyats de ligneux qui se décomposent au pied des arbustes. Les jardiniers procèdent aux semis (malgré le déménagement de leur serre) ou boutures mais laissent faire la nature et les semis spontanés, ils repèrent les jeunes plantules et les préservent pour la saison suivante. Les allées sont désherbées manuellement, d’autres voudraient les goudronner afin de circuler en voiture aisément dans le jardin…
Un jardin modèle ? Un jardin à préserver à tout prix :
Ainsi ce jardin est un modèle du genre, modèle de gestion raisonnée, modèle de traitement des surfaces et des volumes, modèle du rapport à la nature. L’apport de Michel Salmeron et de son équipe est capital, le message de Gilles Clément et ses théories ont été pleinement assimilés et servent de modèle aux équipes de professionnels du jardin qui visitent désormais ce jardin référence. Espérons que ce lieu soit reconnu à sa juste valeur et que le « Juste Jardin » soit préservé de nouvelles amputations ou de nouvelles décisions budgétaires drastiques qui compromettraient son avenir.
Sommaire
Le Jardin de l’École (Olivier Faron)
Les jardiniers de l’anthropocène (Gilles Clément)
1. Le jardin comme source de vies
Les jardiniers de l’esprit
Les jardiniers à l’ouvrage
Germination / éclosion
Mixité, hybridation, essaimage et (trans)plantation
Un jardin pour quoi faire ? Enseigner au jardin au siècle dernier
ont également contribué à cet ouvrage / François Arnal, Emmanuel Boutefeu, Elodie Caremoli, Anne Cauquelin, ,Beatrix von Conta, Julie Damaggio, Céline Dodelin, François Wattelier , François Dow-Jager, Léa Eouzan…
Dans le cas de Gilles Clément, son «jardin planétaire», son « jardin en mouvement », son « éloge des vagabondes », son plaidoyer pour le « tiers paysage » et ses options pour une écologie humaniste ont contribué à casser les stéréotypes, les façons étriquées et répétitives de penser les jardins. Il n’en reste pas moins que créer un jardin, puis le faire vivre, n’est pas une simple affaire d’architecte, de paysagiste, de technicien, de botaniste ou d’ingénieur.
C’est avant tout l’œuvre d’un artiste.
Le jardin de l’École Normale Supérieure de Lyon se traverse quotidiennement pour aller des salles de cours, des laboratoires de recherche, des locaux de l’administration au restaurant, à la bibliothèque, au court de tennis, aux résidences des élèves. Il est le cœur d’un dispositif spatial conçu et pensé comme une sorte de cloître laïc par ses premiers concepteurs. (Postace)
Un cloître républicain : l’association est paradoxale dans un pays qui vit, depuis 1905, sous le régime de la séparation des Eglises et de l’État. Elle sonne presque comme une provocation dans un établissement conçu à l’origine pour former les « hussards noirs » de la République, corps d’élite chargée de porter les valeurs de la laïcité dans les campagnes. Il réconcilie cependant les valeurs spirituelles de méditation et de réflexion et les idéaux républicains de liberté, égalité et de fraternité.
Le juste jardin est le nom donné au jardin de l’École Normale Supérieure de Lyon, c’est un jardin récent (2000) de 8 hectares, créé par Gilles Clément qui fait aujourd’hui figure de référence dans le jardin en mouvement et le jardin naturel.
« Il fut un temps où le jardin était catalogué soit la française soit à l’anglaise mais aujourd’hui ce temps est révolu Gilles Clément et quelques jardiniers pionniers sont passés par là. Après des essais fructueux dans La Vallée le jardin personnel de Gilles Clément le concept du jardin en mouvement fut mis en application dans le parc André Citroën de Paris mais un autre jardin, un juste jardin peu connu du grand public fait aujourd’hui figure de référence, le jardin de l’École normale supérieure de Lyon ».
Paul Arnould.
Le Jardin et son jardinier :
Entretenu avec soin par Michel Salmeron et ses acolytes (Babeth Normand, François Dow Jager, Michel Secondi) le jardin atteint aujourd’hui sa maturité. Ce jardin a été voulu par Henri et Bruno Gaudin les architectes de l’École Normale Supérieure de Lyon qui ont souhaité que Gilles Clément et Guillaume Geoffroy Deschaume réalisent le projet paysager. Dans les années 80 Gilles Clément paysagiste l’école nationale supérieure du paysage de Versailles a trouvé dans le quartier de Gerland un terrain pour approfondir et concrétiser trois de ses principaux concepts : le jardin en mouvement, le jardin naturel, le jardin planétaire ou encore un plaidoyer pour le « tiers paysage ». Aujourd’hui les normaliens fréquentent sont vraiment s’en rendre compte un jardin fabuleux qui fait figure de référence. Ici aucun pesticide n’est utilisé, tout est pensé pour protéger la biodiversité et accueillir la nature.
À l’origine, le site d’implantation de l’école était une friche industrielle de 18 hectares dont le sol a été remanié et dépollué sur plusieurs mètres de profondeur. Des mètres cubes de terre propre ont été apportés pour aménager le jardin.
Histoire d’un jardin :
L’Ecole Normale Supérieure
Le 13 juillet 1880, Jules Ferry et Ferdinand Buisson créent l’Ecole Normale Supérieure d’institutrices et l’installent à Fontenay–aux-Roses en Octobre. Le toponyme scellait déjà le destin de cette école avec les fleurs. Son jardin y est « conçu comme un lieu d’agrément ,et un espace de formation et d’enseignement, car il n’est pas question d’élever en ces murs des bouquets de femmes oisives. Il s’agira en premier lieu d’y expliquer les rudiments de botanique ». (Yves-François LE Lay : géographe, p 40)
L’ouvrage évoque également le passé de l’Ecole normale de St Cloud et de son parc qui contrairement à celui de Fontenay était public.
Après la fusion des deux ENS et la mixité instaurée en 1981 ; l’école déménagera sur le quartier de Gerland à Lyon en 2000 rejoignant à proximité l’ENS scientifique et formant (sur deux campus) en Janvier 2010 : l’Ecole Normale Supérieure de Lyon.
En septembre 2000 le directeur de l’école confie la gestion du parc en cours de réalisation à Michel Salmeron déjà jardinier à Fontenay. Il y découvre un bourbier sillonné par des engins de chantier laissant de profondes ornières, une vision d’apocalypse les flaques de boue, des arbres en jauge ou en conteneur constituent un chantier en devenir. Michel Salmeron apprend qu’un paysagiste célèbre et avant-gardiste était à l’origine de ce projet il avoue ne pas connaître Gilles Clément à l’époque mais se promet de s’informer sur son style de se documenter sur ses réalisations afin de respecter son œuvre qui, vue du balcon du directeur de l’école le laisse perplexe. Pendant 18 mois l’entreprise paysagère chargée de la réalisation des travaux ne laisse pas intervenir Michel Salmeron , il lui est interdit d’arroser, de tailler, il est obligé de constater les défauts de plantation, la mort de certains plants, essayant d’obtenir des informations concernant les travaux. Guillaume Geoffroy Deschaume le collaborateur de Gilles Clément ainsi que Mélanie Drevet chef de projet expliquent à Michel Salmeron les grands principes du jardin en mouvement, les grandes lignes du projet en devenir.
Un jardin va prendre racine sur une friche industrielle.
Sur les alluvions de Gerland, l’ancien quartier industriel un jardin va prendre racine accompagnant la décentralisation de l’École Normale Supérieure de Lettres et de Sciences Humaines dans un nouveau site. L’ancienne école était implantée à Fontenay aux Roses et possédait déjà un jardin, mais c’était un jardin classique du XIX °siècle (« deux magnifiques serres, un grand jardin botanique, une allée de tilleuls bicentenaires et un jardin qui loin d’être froid, était illuminé au printemps par un gigantesque cerisier à fleurs (Prunus serrula Franch) qui occupait le centre du parc » Michel Salmeron, p 69),.
Gilles Clément a voulu réaliser un jardin pour le XXI° siècle (le jardin de l’anthropocène) un jardin pour une école. C’est un jardin qui vit au rythme des étudiants qui s’endort pendant les grandes vacances atteint son apogée en Mai juin et dont les parties correspondent aux différents usages de l’établissement.
Les grands éléments du projet :
Les grands éléments du projet sont simples : La densité et la hauteur des plantations ont été réglées avec minutie selon un gradient croissant du centre vers la périphérie. Dans la partie centrale un vaste sillon occupe le centre du site et sert d’armature au jardin il s’ agit ici d’un Boulingrin , un vaste espace planté en herbe bordé d’un petit muret de béton en arc de cercle. C’est la seule structure véritablement ouverte dans le jardin, une sorte de lumière dans le système bâti, un sillon qui se rapporte à la figure du cloître vide essentiel autour duquel s’organise la vie. La gestion différenciée de ce vaste espace central est à lui seul un modèle du genre avec des espaces laissés en herbe, d’autres plantés en prairie fleurie, d’autres parcourus par des moutons. Un filet de volley-ball et quelques bancs ou tables abandonnés rappellent que nous ne sommes pas dans un jardin de contemplation mais dans un jardin d’école fréquenté par un public d’étudiants, d’enseignants ou de chercheurs.
Le jardin des signes se décline en 3 temps ses jardins respectivement décrivent l’éventail des signes phénologiques (le jardin du temps), des signes morphologiques (le jardin des formes) et des signes relationnels (le jardin de la communication).
Avec le jardin du temps. Les floraisons massives de plantes bulbeuses (scilles ail) expriment ponctuellement le passage des saisons.
Le jardin des formes propose une réflexion sur la forme, la structure, le contraste des feuillages et l’extrême diversité des appareils végétatifs entre les feuilles crénelées sagittées, laciniées, plumeuses, cylindriques ou linéaires le choix est vaste. Dans le jardin de la communication ce sont des floraisons colorées parfumées qui forment un système de communication entre le règne végétal et le règne animal. Ici l’entomofaune se trouve à son aise.
À l’opposé de ces 3 jardins, un vaste ensemble de graminées compose le jardin de la recherche c’est là qu’on se perd dans les méandres des Miscanthus Sinensis. Comme un chercheur le visiteur peut s’y perdre et se retrouver dans une impasse, obligé de rebrousser chemin.
Gilles Clément déclare : « à quoi bon établir la géographie d’un lieu où ce qui compte n’est pas la position des objets, leur distance, leur fonction individuelle, mais la possibilité de les relier à tout moment dans un ordre imprévisible pour une cause inconnue. »
Cette année le JDM (le Jardin de Marandon) était à nouveau présent à la Fête des Plantes de St Etienne.
Cette fête est entièrement gratuite et ouverte à tous. Elle est devenue un rendez vous incontournable des stéphanois.
Depuis quelque temps la serre se remplissait de boutures, semis ou plantations diverses. Bichonnées tout l’hiver, les cactées étaient fin prêtes. Démarrées fin Janvier les tomates ressemblaient enfin à quelque chose.
Je retrouvais ma place habituelle en compagnie d’une autre jardinière qui comme moi adore vendre, échanger, trouver de nouvelles plantes et discuter avec les passionnés.
Pour moi le principe est simple, je vends et je rachète dans la foulée chez les professionnels qui se tiennent dans un autre endroit.
Ils sont bien organisés, disposent d’un stock impressionnant et ont beaucoup plus de succès que les amateurs. Leurs prix sont en conséquence.
Cette année je fus un peu déçu car les fournisseurs vraiment intéressants manquaient à l’appel. J’ai cherché les roses Fabien Ducher, cet obtenteur régional digne descendant d’une dynastie de rosiériste de la région lyonnaise n’avait pas fait le déplacement. Se réserve t-il pour des fêtes payantes et plus prestigieuses comme celle de St Priest à côté de Lyon ?
De même les fuchsias des Dombes n’avaient pas fait le déplacement. Dommage je pensais agrandir ma collection.
J’ai quand même trouvé des variétés de tomates noires, des Coeurs de Marie rose et des blancs. J’ai acheté 3 jourbarbes, une euphorbe, une variété d’epiphyllum jaune assez rare parait il .
J’ai craqué pour un panier ardéchois qui me rappelle ceux de mon arrière grand oncle.
L’année 2010 vient de s’achever. C’est l’occasion de faire un petit bilan et de souhaiter à tous mes lecteurs une bonne et heureuse année 2011.
Le jardin de Marandon se porte bien mais il a subi l’influence et la révolution des réseaux sociaux, Facebook l’a t-il tué ?
Non, mais quand même… Il est tellement plus facile de publier au jour le jour sur Facebook. Le réseau est plus réactif, que ce soit par des amis qui laissent un petit mot, alors qu’ils ne le faisaient plus ou très rarement sur mon blog, soit par des visiteurs occasionnels venant du monde entier.
Le nombre de publications sur ahah a nettement baissé depuis que le JDM est sur Facebook ou que les informations passent par Twitter.
Audreydisait ceci sur son blog le 27 décembre 2010 ⋅
« Dans un premier temps, il y a eu la période « blogs ». Les auteurs produisaient du contenu sur leur site, encourageant les commentaires des lecteurs et engageant les débats et les discussions. Puis il y a eu Facebook, Twitter et autres sites de partage. Si ces derniers ont permis de faciliter la viralité des contenus produits par les blogs, ils ont aussi et malheureusement participé à leur « éclatement » en déplaçant notamment les discussion hors de leur lieu de production ».
Sans compter sur Flickr qui permet de publier des photos et de former des groupes d’intéret. A vous de jongler avec ces différents liens, de rejooindre les communautés et les réseaux et de participer activement au Web 2.0
Le 10 avril 2001 , c’était la Fête des Plantes à St Etienne, le troc des jardiniers était programmé pour la deuxième année consécutive. Mais les jardiniers stéphanois ne sont pas partageux et nous nous sommes retrouvés à deux pour partager ou vendre notre petite production artisanale.
Pourtant le stand du JDM avait de l’allure. Ce fut l’occasion de vider la serre de ses plantations hivernales, de présenter mes petits trésors.
Les boutures de roses (Sourire d’Orchidée au premier plan) remportèrent un vif succès, ainsi que les cactus toujours demandés.
Ensuite, petit viron chez les professionnels, les stands n’ont pas la même taille que le mien.
Là on change de monde, c’est un métier qui ne s’improvise pas,
Mon stand préféré est celui des roses Fabien Ducher ou j’ai acheté un rosier blanc création 2010.
Les cactées étaient présentées de façon appétissante.
Suite colorée invitant à la dépense.
Les vivaces donnaient envie de tout acheter.
des joubarbes de toutes les couleurs,
et des tomates de toutes les variétés.
J’ai réinvesti l’argent du matin dans un rosier Sandrine David , deux plants de tomates, des fuchsias et d’autres bricoles. Mais hélas mon départ prématuré m’empécha d’être présent l’après midi. Heureusement ma sympatique voisine me pris une partie des invendus du matin et continua en mon absence. Espérons que l’an prochain, la fête sera annoncée un peu plus en amont et que le troc attirera plus d’amateurs.
Le Monde propose cette semaine à ses blogueurs de rédiger des notes en relation avec le Sommet de Copenhague , alors jouons le jeu…
Contrairement à ce que l’on pourrait croire le réchauffement climatique ne se traduit pas par la disparition de la neige et des températures hivernales.
La neige est arrivée au jardin de Marandon comme l’an passé vers le 10 Décembre.
Mais rien ne dit que le redoux ne sera pas là la semaine prochaine et que le mois de Janvier ou Février ne sera pas au dessus des normales saisonnières.
Au jardin de Marandon, profitant du réchauffement climatique (ben oui il faudra bien s’adapter), nous avons adopté de plus en plus de plantes issues des flores méditerranéennes ou des grands biomes méditerranéens au sens large (Afrique du Sud, Australie, Chili…).
Le problème c’est qu’à 600 mètres d’altitude dans le Massif Central, les hivers sont encore rigoureux même s’ils sont capricieux.
Stanwell Perpetual qui porte si bien son nom en fleur à Marandon le 12 Décembre 2009
L’automne extrêment doux que nous avons connu a permis aux roses de refleurir jusqu’à une période très tardive.
Ceci dit pour conserver les fuschias, pelargoniums ou autres plantes des potées estivales, il faut bien éviter le gel.Il faut donc hiverner ces fragiles espèces.
La serre du jardin est une serre adossée, en partie incluse dans la maison, ce dispositif évite de dépenser des combustibles fossiles ou de l’électricité pour la chauffer.
Une bonne isolation permet de la maintenir à une température supérieure à 0 ° C alors que la température extérieure peut descendre en dessous de – 10 °C.
Le plastique à bulle crée un vide d’air qui isole la serre de l’extérieur,
quelques clips permettent le maintien de cette isolation intérieure tout en laissant passer quelque peu la lumière indispensable à la photosynthèse.
Lorsque la neige recouvre la serre l’isolation est renforcée.
Alors l’effet de serre, oui nous connaissons nous les jardiniers…