Un jour à l’ombre d’un arbre…

Un jour à l’ombre d’un arbre…

Dscn6966_1

Ce devait être un liquidambar, le ciel était pur et je m’étais allongé sur la pelouse. Une feuille de pissenlit me mordillait le cou quand doucement je fermais les yeux pour mieux profiter de ces instants paisibles.

Dscn8114_2

J’entendais le bruissement des feuilles et le bourdonnement des abeilles.

Dscn6982_1

Je sentais l’odeur de l’herbe fraîchement coupée quand soudain le sol s’ouvrit sous moi !

Dscn3294_1

Je vis alors le feuillage s’éloigner, le ciel bleu s’obscurcir, les images de ce jardin paisible m’échappaient, je me sentais happé dans une course folle que je ne maîtrisais plus.

Dscn3293_1

Je ne sais pas combien de temps dura cette étrange « chute » pendant laquelle, je vis défiler à grande vitesse et à rebours des images inénarrables.

Dscn3289

C’était comme un voyage au coeur de la vie, même les bras glacés de ce puits de cristal noir m’étaient étrangement doux et familiers.

Dscn3283_1

Tandis qu’ils me berçaient tendrement, ce sentiment d’intimité devint une certitude : j’étais déjà venu ici. Je plongeais alors au coeur de mes souvenirs.

Dscn3286

Des images fugaces, des sons, des odeurs me revenaient. Mais il était impossible de mettre un nom sur ce lieu étrange, de placer une date sur cette expérience, de préciser un visage connu.

Dscn7032

La seule chose dont je me souvenais était l’extraordinaire sensation que j’avais éprouvée lorsque j’avais appliqué mes mains contre une paroi étrange au toucher velouté.
Une fleur… j’étais au coeur d’une fleur à moins que ce ne soit un rideau ou une autre dimension ? Mais, mais j…

Dscn7033

Et puis soudain, un petit rire, non sarcastique, mais amusé se fit entendre, et la lumière cinglante percuta ma rétine, illuminant mon cerveau de mille éclats. Le petit être étrange s’approcha de moi, le sourire aux lèvres. L’expression de son regard, froide et dure contredisait la courbe de ses lèvres.

Dscn3272_1

Sans raison, il se jeta sur moi en hurlant :
Ferme les yeux et suis-moi ! Tout étourdi devant cette apparition étrange, j’avançais d’un pas et un léger souffle souleva mon corps ! j’étais en lévitation!

Dscn3345

Tout, autour de moi des milliers de lucioles scintillaient et une étrange musique remplissait l’espace. Tout mon être fut envahi d’un sentiment de plénitude inégalée. Je tendis instinctivement, un bras pour l’offrir aux Belles, il était transparent, et lumineux aussi !!

Dscn3348

Les lucioles, comme mues par un désir de communiquer, m’entourèrent de leurs filaments lumineux tout en se livrant à un doux babillage. La plus petite d’entre elles me chuchota une chanson ancienne dont je ne comprenais pas les mots.

Dscn3347

Mais je savais que je la connaissais… dans une autre vie. Je commençais à chanter avec elle sans avoir la moindre idée du sens des paroles que je prononçais. A cet instant, le petit être me toucha de ses lèvres et les lucioles s’agglutinèrent en une forme vaguement humaine.

Dscn3307

Là, devant moi, au bout de mon bras toujours tendu, caressant ma main plus transparente que jamais, je reconnus une heureuse statue d’argile rouge.

Dscn3339

Je m’approchais voletant toujours tel un angelot, faisant glisser ma main le long de son avant-bras, passant, son coude, et remontant jusqu’à son épaule.

Dscn3326

La transparence de mon corps se fit de moins en moins évidente, j’étais comme absorbé par la matière, à moins que ce ne soit l’inverse, toujours est-il que j’avais perdu tout repère, je ne savais plus si je perdais la raison ou si j’avais les pieds sur terre.

Dscn3340

Je tentais de reprendre mes esprits et décidais de dessiner un détail, une écorchure, une gravure sur l’arbre qui poussait de, par, et au travers de moi, je voulais vivre avec et grâce à lui et justement je m’enracinais toujours plus profondément et ma tête, mes cheveux explosaient de plus belle : doux frissons qui me parcourent le corps.

Dscn9520_1

Soudain la sensation de chute s’estompa, puis s’inversa et je me senti progressivement aspiré vers le sol au dessus de ma tête. Quelques secondes plus tard, je m’envolais vers le ciel, toujours cerné par les lucioles, compagnons de vol.

Dscn9505

La nuit était tombée pendant mon voyage sous-terrain. Les étoiles maintenant scintillaient de tous leurs feux. La lune éclairait ce ciel souverain. Soudain, une violente secousse me repoussa en arrière et me plaqua au sol brutalement. Mes membres étaient trop douloureux pour que je puisse me relever. Je fouillais dans ma poche et trouvai une photographie du Jardin de Marandon.

Dscn3304_1

C’était bien moi, au beau milieu de cette photographie: un arbre splendide et fier, un arbre simple et beau à la fois, un arbre au feuillage découpé délicat.

Dscn3317

Un arbre qui me reliait de la terre jusqu’au ciel, un arbre qui vivait au cœur de ce jardin étrange et qui me donnait la mesure du temps qui passe.

Dscn9436

Merci à Pierre, Ossiane, Tangerine, Emma, Sylvie, Osiris, Patrice, pour cette écriture collective.

ps : ce n’était pas un liquidambar mais un érable du Japon. (ndlr)

p ps : toutes les photos sont prises au Jardin de Marandon, je ne souhaite pas leur reproduction sans mon autorisation.